06 de setembre 2020

RENFORCER LE POTENTIEL DE POLLINISATION.


Les fleurs renforcent la résilience d’un territoire. Parce qu’elles constituent aussi le point de rencontre entre les abeilles (et la biodiversité plus largement), les cultures et les femmes et les hommes qui en bénéficient.


Et pourtant, les surfaces agricoles manquent cruellement d’espèces fleuries, en abondance et en diversité. La marge de progression est grande. Il s’agit d’anticiper, d’organiser son calendrier technique et son parcellaire, d’identifier et de se procurer les semences d’espèces attractives pour les semer au bon moment. Dans d’autres situations, la reconquête des fleurs passera par une baisse de fréquence des fauchages ou tontes entre avril et septembre, d’inter-rangs de cultures ou de bandes enherbées. Les fleurs attendues, avec l’offre de nectar et de pollen sont au service des abeilles. En retour, des abeilles sont-elles au service des agriculteurs.
Les résultats des études scientifiques font consensus dans ce domaine : Plus le territoire ou l’agro-écosystème offrira de ressources alimentaires, donc du nectar et du pollen, sur une période de temps longue et sans discontinuité spatiale, meilleure se porteront les communautés d’insectes pollinisateurs et les chances de production de miellées par les abeilles domestiques pour les apiculteurs augmenteront. Il est aussi reconnu qu’un territoire au maillage d’infrastructures agro-écologiques plus dense et diversifié avec des parcelles d’une superficie comprise entre 2 et 5 ha améliore l’efficacité de la pollinisation et la production des cultures.
L’enjeu est de taille et intéresse les filières végétales et animales, le bien-être et la santé des citoyens. Pour la filière apicole, l’objectif est bien-sûr d’atténuer les pertes et mortalités des colonies en diminuant le taux de sous-nutrition des colonies du cheptel apicole français. Il est aussi d’assurer, grâce à une grande abondance de fleurs, une meilleure production de miel, la rendre plus régulière et conserver sa qualité reconnue mondialement.
Le couple naturel que forment la fleur et l’abeille devient le maillon essentiel et indispensable à l’apiculteur, au cultivateur et au consommateur. Les échanges techniques entre acteurs facilitent le transfert des connaissances, des contraintes et des opportunités mutuelles : L’apiculteur exprime les besoins des abeilles domestiques sur un territoire. Le naturaliste ou l’écologue fait état de la présence des communautés d’abeilles et du niveau d’importance de les préserver. L’agriculteur, le propriétaire foncier, les collectivités ou encore les gestionnaires d’espaces naturels ou d’infrastructures présentent les conditions techniques et économiques de réalisation des besoins. L’abondance et la diversité de plantes et leur capacité à produire du nectar et du pollen est le sujet qui doit rassembler ces acteurs.
Pour cela, intéressons-nous donc ici à quatre leviers connus et exploités mais dont la gestion technique peut encore être affinée pour mieux bénéficier aux insectes pollinisateurs. Ensemble, ces leviers apportent l’offre minimum, répartie dans le temps et dans l’espace, d’aménagements floraux si essentiels à la durabilité de nos territoires.
– Les espèces fleuries des espaces herbacés
– Les haies composites et lisières de bois
– Les espaces de jachères fleuries
– Les cultures intermédiaires mellifères
A cela s’ajoute bien entendu, les cultures nectarifères telles que le colza, le tournesol, la féverole, les fruitiers, la lavande… qui offrent de grandes surfaces fleuries dans les parcelles.
Les bordures, des espaces bonus
Les bordures non arborées (bandes, talus, clôture, fossé…) représentent un espace de choix pour les abeilles, surtout les espèces sauvages qui y trouveront davantage de diversité que dans une parcelle cultivée. Une bordure, composée d’un couvert végétal bas et herbacé, se transformera rapidement en un réservoir de pollinisateurs.
Il y a peu de risque de voir des adventices des bordures proliférer dans la totalité des parcelles voisines car en moyenne, moins d’un quart seulement des espèces recensées dans les bordures sont également présentes dans la parcelle. Et lorsque c’est le cas, elles se retrouvent dans les 2,5 premiers mètres de la zone cultivée.
Les abeilles apprécient cette diversité d’espèces où l’on retrouve souvent et spontanément le coquelicot, le bleuet, les vesces, le lotier corniculé, les trèfles, la vipérine, les mélilots… Elles constituent le bol alimentaire majoritaire des abeilles dans les zones céréalières, quand l’offre en nectar et pollen apportée par les cultures fleuries (colza, féverole, tournesol, luzerne) est souvent déficitaire. Ainsi, toutes les pratiques augmentant la diversité de la flore messicole inféodés à ces milieux sont à encourager (réduction des herbicides, des fertilisants, du broyage réalisé en dehors des périodes à forte intensité de butinage), dans les limites acceptables pour la durabilité économique de l’agriculteur. L’enjeu est de trouver le bon dosage dans le changement des pratiques pour attirer et installer ces insectes, optimiser la pollinisation et assurer des productions céréalières et de miel sur le territoire.
Les haies et lisières, des éléments essentiels à l’habitat des abeilles
Chez les abeilles, la première fonction des haies et des lisières concerne l’alimentation. Ces ressources fournissent, au printemps et à la fin de l’été, à l’abeille domestique l’énergie nécessaire au bon développement des colonies. Dans une zone de grandes cultures, l’aubépine et les arbres du genre Prunus (merisier, pruniers, cerisiers) apportent un quart de l’ensemble du pollen récolté par l’abeille domestique au cours de l’année. Grâce à ces infrastructures semi-naturelles, l’abeille domestique va également récolter la propolis, cet « antiseptique » naturel avec lequel elle colmate les anfractuosités de sa ruche.
Les haies et lisières produisent également du bois mort et des arbres ou arbustes aux tiges creuses ou à moelle (ronce, sureau, framboisier, roseau) qui sont des lieux de nidification et d’alimentation des abeilles sauvages. Mais si les haies peuvent constituer également une barrière physique limitant la dérive des produits phytosanitaires utilisés en pulvérisation, la contamination de leurs fleurs peut induire un risque pour les abeilles.
Quels arbres choisir pour sa haie ?
Pour la production de nectar et/ou de pollen, les principales espèces sont noisetier, saule marsault, aulne, buis, prunelier, chêne pubescent, viornes, pommiers et poiriers francs, merisier, prunellier, cognassier, alisier, amélanchier, baguenaudier, aubépine, épine-vinette, cornouiller sanguin, sureau noir, églantier, sorbier, cytise, rosiers, troène commun, robinier faux-acacia, tilleul, bourdaine, bruyères, arbousier, argousier… De nombreuses autres espèces sont à découvrir sur la liste des espèces attractives, nectarifères et pollinifères à semer et à planter publiée en juin 2017 et disponible sur le site internet de Valhor (https://www.valhor.fr/labels-outils/plantes-melliferes/).
Les jachères et bandes enherbées, les fondamentaux
Les jachères et les bandes enherbées représentent des surfaces facilement mobilisables pour améliorer les ressources des abeilles. La bande enherbée devient attractive lorsqu’elle fleurie et riche d’espèces telles que la phacélie, le sarrasin, la moutarde et des légumineuses pluriannuelles comme le sainfoin, le mélilot, le lotier corniculé, le trèfle blanc ou hybride, la luzerne. En mélange complexe la floraison s’étend aisément d’avril à septembre, entraîne un bon développement du couvain et des réserves alimentaires des colonies d’abeilles domestiques, et permet à une plus grande diversité d’abeilles sauvages de trouver les plantes qui leurs correspondent. Par exemple pour une aire de butinage de 700ha autour d’un rucher, en implantant une surface d’un hectare de phacélie, les butineuses y collecteront ponctuellement jusqu’à 90 % de la totalité du pollen rapporté. Et cette surface de phacélie peut être répartie sur différents espaces délaissés car les expérimentations montrent que la fréquentation par l’abeille domestique de bandes semées de phacélie était équivalente qu’elles soient placées à 400 m du rucher ou à 1,5 km. Il ne faut donc plus hésiter à offrir aux abeilles des réservoirs alimentaires et d’habitats dans un bout de parcelle fleurie ou dans une bande fleurie coupant une parcelle en deux.
Les cultures intermédiaires, un levier pour augmenter les chances de survie des colonies d’abeilles domestiques
En zones de grandes cultures, après la période pauvre en ressources mellifères entre les floraisons du colza et du tournesol, la deuxième période critique concerne la fin d’été et l’automne.
Là encore, rien ne vaut la flore sauvage. En l’occurrence ici le lierre est la plante cruciale à la constitution des réserves avant l’hiver. Mais il est aussi possible d’enrichir à l’automne le milieu en nectar et en pollen grâce aux cultures intermédiaires. Et c’est au printemps que la réflexion doit être initiée. En complément des ressources apportées par le lierre, des cultures intermédiaires mellifères (CIM) diversifient le bol alimentaire des abeilles. C’est au cœur de la Beauce, qu’une expérience a montré que des colonies d’abeilles domestiques présentaient une meilleure survie à l’hivernage lorsqu’elles bénéficient de tels couverts à proximité. Le mélange adapté et préparé par la société Jouffray-Drillaud composé de moutardes blanche et brune, phacélie, tournesol, trèfle d’Alexandrie, vesces pourpre et commune, associées à l’avoine a clairement joué en faveur des abeilles. Les partenaires des Chambres d’agriculture et des coopératives locales étaient aussi très attentifs à ses capacités agronomiques. Sans décevoir, ce mélange multi-espèces a piégé jusqu’à 110 kg de nitrates/ha, tout en restituant de l’azote à la culture suivante (jusqu’à 40 kg/ha). La quantité de biomasse produite étaient également intéressante pour les cultures puisque les sols ce sont enrichis jusqu’à 3 tonnes de matière sèche/ha. Pour aller encore plus loin et tenter de nouvelles innovations en faveur des abeilles, des expérimentations se répandent avec des résultats prometteurs de couverture du sol de manière pérenne, comme le semis d’une légumineuse menée jusqu’au stade floraison dans une céréale peut permettre un apport supplémentaire de nectar et pollen.
Les 4 règles pour assurer « le gîte et le couvert » à vos ouvrières pollinisatrices sont :
– Développer un réseau de haies, d’arbres et d’arbustes autour des parcelles cultivées ;
– Privilégier des parcelles de petite taille (<5ha), ou découper les parcelles de grande taille par l’implantation de bandes florales nectarifères et pollinifères en bordures ou entre deux grandes parcelles ;
– S’assurer que les parcelles (oléagineux, légumineuses, cultures intermédiaires mellifères, cultures associées) et les espaces non cultivées (flore sauvage) offrent des ressources alimentaires abondantes et diversifiées tout au long de l’année. Ne pas détruire les couverts végétaux dans les parcelles ou dans les espaces non cultivés (bandes enherbées, bords de champ, haies) avant la floraison ;
– Privilégiez l’emploi de méthodes alternatives plutôt qu’une protection chimique des plantes cultivées.
Pour aller plus loin : www.interapi.itsap.fr